Projet Beaucéant   L'Ordre du Temple en Belgique

Contributeur : Jan Hosten - tempeliers.be

Un début marquant en Flandre

L'histoire des Templiers en Belgique commence à Ypres (Ieper) dès 1128. Peu de temps après l'approbation de la Règle de l'Ordre lors du concile de Troyes, Hugues de Payens et Geoffroy de Saint-Omer y fondent une maison le 13 janvier 1128. Une partie du faubourg de la ville, nommé "Upstal", appartenait à Geoffroy par héritage.

L'emplacement de la porte du Temple à Ypres
L'emplacement de la porte du Temple à Ypres, proche de l'empacement de la commanderie
Source : https://beeldbank.onroerenderfgoed.be/

Les Annales d'Ypres parlent de quinze religieux pour l'année 1128, treize frères, un supérieur et un chapelain(1). Cette note dans l'histoire de la ville d'Ypres démontre qu'une des premières commanderies templières en occident se situait très probablement dans le comté de Flandre. De plus, la présence de quinze Templiers dans la maison d'Ypres dès 1128 prouve à nouveau que les Templiers ne sont pas restés à neuf pendant neuf années.

Peu après la fondation de la maison d'Ypres, les fondateurs de l'Ordre reçoivent en donation le fief de Bas-Warneton le 15 septembre 1128(2). La commanderie de Bas-Warneton dépendait directement de la commanderie majeure d'Ypres. Après Bas-Warneton en Hainaut, les fondateurs de l'Ordre reçoivent les commanderies de Cassel et Saint-Omer qui se trouvent actuellement en France(3).

En 1131, Slijpe, deuxième commanderie du bailliage templier de Flandre, voit le jour.
Située au milieu de nouvelles terres gagnées sur la mer, cette commanderie devient vite une implantation templière de grande importance. Au même moment, la commanderie voisine de Leffinghe est fondée(4). Une troisième commanderie date de la même année, celle de La Haie lez Lille, dont le territoire se trouve actuellement en France. Trois ans après le concile de Troyes, la Flandre comptait déjà sept commanderies.

Vue d'artiste de la commanderie de Slijpe Vue d'artiste de la commanderie de Slijpe
Source : Archives Projet Beaucéant

Il faut préciser aussi qu'en 1128, après le meurtre du comte Charles le Bon(5), la Flandre brûle. Le roi de France désigne Guillaume de Normandie (ou Guillaume Cliton(6)) comme nouveau comte pour remettre de l'ordre dans ce fief. Mais Thierry d'Alsace(7) revendique aussi le titre de comte. Dans ces temps d'incertitude, le comte Guillaume fait un don considérable aux Templiers, notamment le relief de ses fiefs(8).

Après la mort de Guillaume de Normandie lors de siège d'Aalst (Alost), le 11 juillet 1128, son adversaire Thierry d'Alsace devient comte et confirme immédiatement le don du relief des fiefs fait aux Templiers. Il est donc certain que les comtes de Flandre pouvaient compter sur la puissance militaire des moines-chevaliers(9).

Peu après la fondation des commanderies de Slijpe et de Leffinghe, on trouve une maison dépendante de cette commanderie avec une chapelle à Steene(10). Malgré son importance, Slijpe n'était pas la commanderie cheftaine de l'Ordre en Flandre : celle-ci se trouvait toujours à Ypres. Néanmoins, Slijpe devenait au cours des 12ème et 13ème siècles, la plus puissante implantation templière en Flandre, possédant des dépendances et maisons à Dunkerque, Bruges, Gand et jusqu'à Saint-Nicolas, plus de 150 km à vol d'oiseau séparent la première de la dernière.

La commanderie de Gand a été fondée aux environs de l'année 1180(11). Cette maison avec une chapelle n'avait pas de grande importance, elle servait surtout comme lieu de réunion.
La présence templière à Bruges (Brugge) se concentre à Scheepsdale et à Sint-Pieter-op-den-Dijk. Ces biens se situaient au nord de la ville. Ainsi, les Templiers "contrôlaient" plus ou moins le trafic fluvial venant et partant de Bruges. Ils percevaient entre autre les droits de péage sur le transport de bois entre l'actuel port de Zeebrugge et Bruges. Il faut bien réaliser l'ampleur d'un tel droit, car Brugge était à l'époque des Templiers la plus grande ville commerciale du Nord de l'Europe.

Vue de la commanderie de Saint-Léger Vue de la commanderie de Saint-Léger
Source : Archives Projet Beaucéant

La suite en Wallonie

En 1157, nous retrouvons des traces des Templiers en Hainaut avec la commanderie de Saint-Léger. De cette commanderie importante dépendaient directement des maisons et granges à Anzegem et Audenaarde pour la Flandre et à Templeuve, Tournai et Rumes (1213) pour le Hainaut ainsi que la commanderie du Fliémet, près de Mons. Les activités templières au Fliémet commencent dès 1142 avec une donation de biens à Frameries faite par le comte de Hainaut, Baudouin IV(12). En 1163, un acte fait mention d'une maison à Piéton-Vernoit. Ce n'est qu'après les Templiers, à l'époque des Hospitaliers, que cette maison deviendra une vraie commanderie.

A Wavre (brabant wallon), la commanderie de La Neuve Court date probablement de 1139. Le bâtiment impressionnant subsiste jusqu'à nos jours, mais il a subi de nombreuses restaurations dues aux Hospitaliers. La commanderie de Vaillampont apparaît pour la première fois aussi vers 1139. Au début du 13ème siècle, les Templiers de Vaillampont recevaient beaucoup de dons de la part des seigneurs locaux. Les possessions de Vaillampont s'étendaient de Fliémet et de Piéton vers Louvain (Leuven).

En 1191, la commanderie d'Hargimont est fondée grâce à une donation des ducs de Lorraine-Luxembourg. Le domaine templier d'Hargimont formait tout un village, avec certains droits pour les paysans. La présence templière à Villers-le-Temple est l'évidence même. Cette commanderie est une des plus importantes au point de vue historique. Elle avait comme dépendances entre autre les commanderies et maisons de Strée, d'Hargimont, de Huy(13) et de Liège(14). Le personnage clef qui a donné la renommée à ce lieu est Gérard de Villers, fondateur et commandeur de Villers-le-Temple. La pierre tombale de Gérard de Villers est la seule représentant un templier en habit de maison à l'occasion de la mort. L'image mortuaire de Gérard de Villers est devenue le modèle de beaucoup de reproductions de l'habit templier. La commanderie de Visé dépendait de celle de Villers-le-Temple et date probablement du début du 13ème siècle. La commanderie de Gistel en Flandre, date probablement de la cette période. Le chapitre provincial de 1257 parle d'une commanderie avec une chapelle.

Vue de la commanderie de Vaillampont Vue de la commanderie de Vaillampont
Source : Archives Projet Beaucéant

Le début de la fin

Pendant presque deux siècles, les comtes de Flandre et les flamands en général, entretenaient des relations très amicales avec les Templiers. Le premier mai 1302 par exemple, les habitants de Bruges se soulèvent contre le roi de France au cours des "Matines de Bruges". Laurent Dailliez prétend qu'un certain frère de Boinem ou Boyenem(15), commandeur du Temple à Slijpe, était le chef de cette révolte.

Deux mois plus tard, une armée flamande non professionnelle, composée de membres des milices communales, écrasait l'armée des chevaliers du Roi de France à Courtrai (Kortrijk). De nouveau d'après Laurent Dailliez, un certain Gossuin de Bruges(16) menait les troupes flamandes. Ce Gossuin de Bruges était le dernier commandeur du Temple en Flandre. La présence des Templiers en 1302 sur ce champ de bataille, cette fameuse "Bataille des éperons d'Or", est le sujet de nombreuses discussions. Pour l'instant, les preuves nous manquent pour confirmer ou infirmer cette hypothèse.

L'arrestation des Templiers en 1307 ne s'est pas effectuée sans problèmes. Le comte de Flandre, Godefroy de Béthune(17), refusait carrément d'arrêter les Templiers. A Ypres, un texte d'origine maçonnique (et donc peu fiable) parle d'une féroce bataille entre les Templiers et les soldats du roi. La plupart des Templiers de Flandre et des autres provinces ont été libérés après les investigations. Beaucoup de Templiers venant de Flandre et de Hainaut se sont rendus en février et mars 1310 à Paris, afin de défendre leur Ordre.

Le meilleur exemple est Bernard de Caestre, qui refusait de renier l'Ordre du Temple et qui s'est également présenté à Paris en 1310 pour défendre le Temple. Après la dissolution de l'Ordre, il a rejoint les Hospitaliers et vers 1322, on le retrouve comme commandeur de l'Ordre de Saint-Jean à Caestre.

L'héritage

Si les Templiers ont laissé des traces en Belgique, il s'agit surtout de traces étymologiques et toponymiques. Quelques gens portent encore le nom "Tempelaere" ou "Tempels" (le Templier ou du Temple) et presque chaque ville à sa propre "Tempelstraat" ou "Tempeliersstraat" (Rue du Temple ou des Templiers).

Mais si on parle des bâtiments, vers 1307, la Flandre comptait plus de dix commanderies[24], des dizaines de maisons et encore beaucoup plus de granges. Une mauvaise coïncidence voudrait que la première guerre mondiale frappe le plus fort là où les Templiers étaient le plus implantés en Belgique.

Le beffroi des halles de la ville de Ypres a brûlé sous les bombardements allemands de la première guerre mondiale. Un véritable trésor d'archives sur les Templiers à Ypres était perdu pour toujours lors de cet incendie. Durant la première guerre mondiale, énormément de commanderies ont été détruites. En Wallonie, plusieurs belles commanderies sont restées presque intactes comme celles de Saint-Léger, La Neuve Court et Hargimont. En Flandre, il faut se contenter de la commanderie de West-Vleteren.

Projet Beaucéant

Notes :

(1)Les Annales de la ville d'Ypres parlent du "[...]Temple d'Ypres ou le temple des chevaliers (templum militum) fut, d'après une chronique de Saint-Bertin citée par Sanderus, érigé vers 1127 par le chevalier Geoffroy de St-Omer[...]" dans VANDENPEEREBOOM A., "YPRIANA - Notices, études, Notes et Documents sur Ypres, Origines", Bruxelles: éditions Culture et Civilisation, 1976, pp. 92-93 (TOME 3 - Reproduction de l'édition de 1880)

(2)Cartulaire de Flandre, fol. 82v.-83v., n. 136

(3)A l'époque des Templiers, une grande partie du Nord de la France faisait partie du Comté de Flandre.

(4)Dans les Archives, Slijpe et Leffinghe apparaissent souvent l'une à côté de l'autre. Certains historiens prétendent que la commanderie de Leffinghe n'était rien plus qu'un prolongement de celle de Slijpe.

(5)Charles 1er de Flandre, aussi appelé Charles "le Bon" ou encore Charles de Danemark. Il est né vers 1083 à Odense (Danemark) et mort assassiné en 1127 à Bruges. Il est le fils de Knut IV den Hellige, roi du Danemark, et d'Adèle de Flandre, fille de Robert 1er de Flandre et de Gertrude de Saxe. En 1096, il participe à la 1ère Croisade aux côtés de son oncle le comte de Flandre Robert II, dans l'armée de Godefroy de Bouillon. En 1115, il se marie avec Marguerite de Clermont, fille de Renaud II, comte de Clermont-en-Beauvaisis et d'Adélaïde de Vermandois. En 1119, le comte de Flandre Baudouin VII est gravement blessé lors d'une bataille à Bures en Bray en Normandie. Sans enfants, il choisi sur son lit de mort son cousin Charles comme successeur. Celui-ci est assassiné en mars 1127 à Bruges par des marchands de la cité mécontents de plusieurs décisions de justice prises en leur défaveur.

(6)Guillaume (ou William) Cliton est aussi connu sous le nom de Guillaume Ætheling. Il est né en 1102 et mort en 1128. Il est le fils du duc de Normandie Robert Courteheuse et de Sibylle de Conversano, membre de la puissante famille normande de sicile, les Hauteville. Il est aussi lié, par sa grand-mère Mathilde de Flandre, à la famille comtale flamande. En tant que seul fils de Robert Courteheuse, lui-même fils aîné du roi d'Angleterre et duc de Normandie Guillaume Ier "le Conquérant", il se bat à partir de 1115 avec l'aide d'autres puissants barons, mais sans succès, pour prendre le titre de duc de Normandie. Ce titre avait été usurpé à son père par le roi d'Angleterre Henry Ier Beauclerc en 1106, lors de sa victoire contre Robert (et sa capture) au cours de la bataille de Tinchebray. En 1120, le naufrage de la Blanche-Nef et la mort de Guillaume Adelin, fils et héritier d'Henry Ier Beauclerc, redonne espoir à Guillaume Cliton de reprendre la tête du duché, mais à nouveau sa rébellion est matée en 1124. En janvier 1127, avec l'appui du roi de France Louis VI "le Gros", il prend la tête d'une nouvelle expédition pour s'emparer du Vexin, lorsqu'il apprend la mort de Charles de Flandre. En tant que petit-fils de Mathilde de Flandre, et cousin de Charles, il revendique aussitôt le comté pour lui-même. Malgré l'opposition de nombreux prétendants, il est investi du duché avec l'appui du roi de France en mars 1127. Sa politique intérieure assez brutale envers le peuple le rend immédiatement impopulaire et dès le mois d'août, la révolte gronde et de nombreux barons flamands se rallient à Thierry d'Alsace qui revendique à son tour le duché. La guerre "civile" qui s'en suit voit la mort de Guillaume Cliton lors du siège d'Alost en juillet 1128, tué par un carreau d'arbalète.

(7)Thierry d'Alsace est comte de Flandre de 1128 à 1168. Il est né vers 1100 et mort en 1168. Il est le fils du duc de Lorainne Thierry II et de Gertrude de Flandre. Il se marie avec Marguerite de Clermont-Beauvaisis sans doute vers 1130, mais il devient veuf en 1133. Il participe à 4 expéditions en Terre Sainte. La première fois en 1139, où il s'illustre de telle façon que le roi Foulques d'Anjou lui donnera la main de sa fille Sybille. Il participe ensuite à la 2e Croisade aux côtés du Roi de France Louis VII. Il va pour la 3e fois en Terre Sainte en 1157 et la 4e fois en 1164.

(8)Le relief des fiefs est un certain montant qui était payé au seigneur, quand un fief passait d'un vassal à son héritier. Le relief était dû quand le nouveau vassal rendait l'hommage à son seigneur.

(9)Voir CUMPS Lieven, "De Tempeliers in Vlaanderen", Tielt : Uitgeverij Veys, 1976, 750 p.

(10)D'après les sources, en 1172, Philippe 1er de Flandre, fils de Thierry d'Alsace, fait don du patronnage de l'église de Steene (Stene) à l'Ordre du Temple.

(11)Voir Antiquitates Flandriae, n. 37. La fondation d'une commanderie et d'une chapelle à Gand n'est pas mentionnée dans le cartulaire de Flandre, ce qui nous démontre que ce cartulaire n'est pas du tout complet.

(12)Baudouin IV de Hainaut, aussi appelé Baudouin "le Bâtisseur". Il est né en 1108 et mort en 1171. Il est le fils du comte de Hainaut Baudouin III et de Yolande de Gueldre, fille de Gérard 1er de Gueldre et de Wassenberg et de Clémence d'Aquitaine. A la mort de son père en 1120, il n'a que 12 ans. Sa mère assurera alors la régence jusqu'en 1127, moment où Baudouin IV montera effectivement sur le trône du comté. Entre 1147 et 1151, il est en conflit ouvert avec Thierry d'Alsace, comte de Flandre. Fatigués de ce conflit, les deux comtes vont signer un traité de paix en 1151 et fianceront leurs enfants pour sceller cet accord. En 1130, il se marie avec Alix, dernière fille de Godefroid 1er, comte de Namur. Il meurt en 1171, des suites de blessures encourues lors d'une chute lorsqu'il visitait le chantier de son palais à Valenciennes deux ans plus tôt.

(13)A Huy, les Templiers ne possédaient qu'un refuge ainsi qu'une grange dîmière.

(14)A Liège, les Templiers ne possédaient qu'un refuge ainsi qu'une grange dîmière.

(15)Il s'agit (probablement) de Willem van Boenhem.

(16)Il s'agit (probablement) de Gozewijn van Brugge.

(17)Robert III de Flandre, aussi appelé Robert de Dampierre ou Robert de Béthune et surnommé le "Lion des Flandres". Il est né en 1249 et mort en 1322. Il est le fils du comte de Flandre Gui de Dampierre et de Mahaut de Béthune, fille de Robert VII de Béthune et d'Élisabeth de Morialmé. Il devient comte de Flandre à la mort de son père en captivité en 1305. En 1265, il se marie avec Blanche d'Anjou, fille du roi de Sicile Charles 1er et de Béatrice de Provence. Devenu veuf en 1269, il se remarie en 1272 avec Yolande de Bourgogne, fille du comte de Nevers.

Projet Beaucéant

BibliographieProjet Beaucéant

  1. Compte rendu des séances de la Commission Royale d'Histoire ou Recueil de ses Bulletins - Tome 70
    Commission royale d'Histoire ; Librairie Kiessling, 1901
  2. Les Templiers en Flandre, Hainaut, Brabant, Liège et Luxembourg
    Laurent Dailliez ; Impress Sud, 1978
  3. De Tempeliers in de Lage Landen
    Jan Hosten ; Horizon, 2020
  4. De Tempeliers - De Tempelorde tijdens de kruistochten en in de Lage Landen
    Jan Hosten ; Pearson Education Benelux, 2006
Projet Beaucéant

© Copyright 1997 - 2024 Templiers.org - Christophe Staf
All Rights Reserved